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LA FILLE DU MARCHAND

comme il se devait. Il avait un mois à passer au port, et elle dit à sa mère : « Maintenant, mère », dit-elle, « puisque mon père est mort et qu’il m’a laissé mon content de la fortune de ce monde, il me plaît de me donner, moi-même et cette fortune, au jeune capitaine, avec ton consentement ». La mère ne dit mot, si ce n’est : « C’est bien, ma fille ». Marie la Blanche et le jeune capitaine furent mariés et leurs noces durèrent sept jours et sept nuits.

A la fin le capitaine dut hisser ses voiles et aller en quelque pays chercher une autre cargaison. Il avait un grand chagrin de quitter sa belle, mais il n’y pouvait rien, il lui fallait partir. « N’ai pas de chagrin », dit Marie, « je te serai fidèle jusqu’à ce que tu reviennes. »

Le second officier du bord était très lié avec le capitaine. Ils n’avaient qu’une seule âme, comme on dirait. Le capitaine ne cessait de vanter Marie la Blanche et de parler d’elle : c’était une fille noble et fidèle. Le second était une canaille, qui guettait l’occasion de prendre en traître le capitaine.

Ils furent six mois sans revenir et quand Marie vit le navire revenant au port son cœur fut transporté de joie et de plaisir, ce qui n’avait rien d’étonnant. Ils passèrent une quinzaine ensemble, confortablement, mais un soir le capitaine sortit, et Marie avec lui. Comme ils se promenaient, ils rencontrèrent le second. Il engagea la conversation avec le capitaine. « Sans doute », dit-il, « que l’homme n’est pas né qui pourrait vous prendre Marie la Blanche ». « Je crois que non », dit le capitaine. « Qu’est-ce que vous parieriez? », dit le second. « Le navire est tout ce que je possède », dit l’autre, « et je te parierai le navire que ce n’est pas possible ».

Ils conclurent solennellement le pari et ils se dirent adieu. Le second les laissa. Le temps était révolu, et lorsque le navire fut sur le point de quitter le port, le second n’était pas en état de s’embarquer, car il était malade, prétendait-il. Le capitaine dut lui trouver un remplaçant. Dès que le navire fut parti, le fourbe de second n’était plus guère malade, car il se mit à tramer ses complots serrés. Il rôdait souvent autour de la maison de Marie et il faisait semblant d’être au mieux avec sa suivante.

Un soir le second se promenait avec cette jeune femme.