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écrasement de tout. J’essayai de la faire parler ; ce fut une longue plainte : la vie dure, le mari brutal, les enfans ingrats. Puis, tout ce qu’elle avait pu faire cette année avait manqué, blé, chanvre, légumes. Il n’y avait que la chèvre et les poules qui donnassent quelque chose, mais c’était peu ; et les poules encore, à cause des gens riches et de leurs raisins (elle me lança un coup d’œil oblique), elle ne savait où les mettre, car les pauvres ont beau faire, ils ne peuvent réussir à rien.

» Je lui donnai quelque monnaie, et cette munificence, qui parut l’étonner, réveilla pourtant dans son œil terne une lueur de joie. J’étais attristé ; je ne voulus pas rentrer encore, et je me couchai derrière une haie, à l’ombre, car le soleil devenait chaud.

» C’était plein d’insectes qui fourmillaient là de tous côtés, chacun d’un air empressé, suivant son chemin et sachant très bien ce qu’il allait faire, tous propres, brillans, heureux. Je songeais, moi, à ce triste problème de la misère humaine, quand j’entendis marcher et parler dans le chemin. C’était la voix d’Anténor et une autre voix plus douce. En regardant