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Montrez-vous revêtus de votre dignité,
Poètes, dévoilez toute la vérité.
Or, il est quelque chose, aux fossés de Vincenne,
Qu’on pourrait exhumer et traîner sur la scène :
Le fait est historique… il est tragique aussi.
Mais chacun, direz-vous, le sifflerait ici :
Il faudrait se résoudre à braver le vulgaire,
Qui sait ? les étudians… Cela ne se peut guère.
Depuis que nous avons conquis nos libertés,
Nous nous sentons les bras liés de tous côtés…
Eh bien, silence donc ! faiseurs de vaudevilles,
Qui trafiquez chez nous des querelles civiles
En d’ignobles couplets, où le parti des morts
Est lâchement foulé sous les pieds des plus forts ;
Gens qui voulez de l’or, et dont la frénésie
Va profanant partout la sainte poésie,
Vous que je voudrais voir, ceints de vils tabliers,
Croupir dans une échope à faire des souliers ;
Car à ce métier là l’on gagne aussi sa vie,
Et c’est du moins sans crime et sans ignominie !
Certes, si vous avez à répandre du fiel,
Le temps est bon, messieurs, j’en jure par le ciel !