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Ces femmes qui, sans prendre un petit air malingre,
Regardent comme fait cette odalisque d’Ingre,
Ne grimacent jamais sous un front emprunté
Et marchent librement belles de leur beauté ;
Aiment ce qu’elles font, le font avec franchise ;
Se mettent à genoux, par terre, dans l’église,
Et le soir, sans penser à ce qu’on en dira,
Battent naïvement des mains à l’Opéra ;
Portent dans leur poitrine et l’amour et la haine,
Et ne rejettent rien de la nature humaine ;
Gardant à leur fidèle un cœur chaud de désir
Et le stylet romain à qui veut les trahir. —
Mais, au nord, quelquefois on voit de ces poupées,
De linge et de chiffons sans cesse enveloppées,
Que l’on pourrait sonder à toute profondeur
Sans rencontrer jamais ce qu’on appelle cœur ;
Leurs sens sont accablés de molles léthargies,
Plantes de serre chaude, écloses aux bougies,
Elles veulent pour vivre un air artificiel,
Et se fanent aux feux de l’œil brûlant du ciel.
Des hommes de boudoir, plus efféminés qu’elles,
Se sont chargés du soin de façonner ces belles,