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Pourvu que je vous serve et que je vous adore,
Et que je vous le dise et vous le dise encore,
Toute autre gloire est folle, et mon nom ne m’est doux,
Qu’enchaîné près du vôtre et prononcé par vous.
Comment c’est vous, c’est moi ! là, tous deux, loin des autres !
Ces deux mains dans mes mains sont-elles bien les vôtres ?
Dites ; est-ce bien vous ? est-ce bien moi ? — J’ai peur.
Si tout n’était qu’un rêve, une ombre, une vapeur ?…
Vous-même, oh ! si jamais, pour un autre sensible,
Vous alliez de mon trône !… oh ! non c’est impossible,
N’est-ce pas ? » — Et déjà, sortant de leur linceul,
Tous ses malheurs éteints, revivaient dans un seul.


Mais Elle souriait d’un langoureux sourire,
Comme elles font ; et lui se reprenait à dire
Et redire : « Impossible, impossible !… pardon.
C’est que… ce qui suivrait de près votre abandon,
Ce qui suivrait de près… Dieu seul peut le connaître !
Vous m’aimez, dites-vous. C’est un péché peut-être ;
Si vous ne m’aimiez plus… ah ! malédiction !
Je chargerais deux fois votre confession !
Je suis fou… Non… ; je ris. — Ces beaux cheveux de soie,
Oh ! oui, dénouez-les, que ma tête s’y noie !…
Vous pleurez, et pourquoi pleurez-vous, mes amours,
M’aimerez-vous long-temps ? » — « Je ne sais, mais toujours ! »


Or, la première fois qu’il revit sa fidèle,
Un étranger marchait d’un certain air près d’elle ;
Disons tout cependant, trois mois s’étaient passés !
Qui peut tromper des yeux d’amant ? c’en fut assez.