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Sitôt dit, sitôt fait. — Sous l’orage et le vent
Petite violette enflammée, intrépide,
Monte la côte plus rapide ;
Le voyage est déjà plus dur qu’auparavant.
— Toutefois, la voici bien ou mal arrivant
Jusqu’au second plateau que baigne un lac limpide.

Mais, à peine installée : « Ah ! dit-elle, d’ici
Je n’aperçois le monde encor qu’en raccourci !
C’est du dernier sommet, qui perce et qui domine
Les grands nuages entr’ouverts,
Que l’on peut voir tout l’univers !…
C’est donc raison d’aller y prendre enfin racine. »

Et, sans plus réfléchir à rien,
Comme sous l’aiguillon d’une voix qui l’appelle,
Notre folle, en deux temps, se remet de plus belle
À son voyage aérien.

La route est, cette fois, bien autrement mauvaise.
Pour mieux dire, il n’est plus ni route ni sentiers,
Petite violette éprouve un grand malaise,
Elle retournerait sur ses pas volontiers…
Mais elle a comme le vertige,
Mais la tête lui tourne, — alors
Se poussant aux derniers efforts,
Par une sorte de prodige
Elle arrive, le cœur bien gros, le corps bien las,
Sur ce pic, noble but de ses vœux. — Mais, hélas !
Plus de terre, pas une mousse ;
Le sol est un granit aride, où rien ne pousse ;
Un vent glacial souffle autour avec fureur,
Et l’horizon n’est plus qu’une brumeuse horreur.
Petite violette, au bruit des avalanches,
Tremble de froid et de terreur