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Voici ce que rêve tout bon Anglais, et ce qu’il aperçoit au bout de son labeur, lorsqu’il est obligé de peiner dans une fabrique de Birmingham ou dans un office de la Cité, sous le brouillard de fumée où flamboie le gaz et où vibre l’électricité : prairies fraîches et claires, dont la pelouse verte est égayée de roux, de blanc par le pelage des bonnes bêtes qui ruminent ; – futaies vénérables, dont les frondaisons touffues, lustrées par le printemps ou dorées par l’automne, semblent s’entr’ouvrir pour laisser voir au spectateur la blanche muraille d’une métairie ou la tourelle d’un manoir gothique ; – étangs où le reflet des nuages et des feuilles tremble en remous argentés et en frissons d’émeraude ; – cottages fleuris de chèvrefeuilles, de tulipes et de roses ; – chemins flexibles dont la sinuosité suit la lisière d’un bois ; – bref, une perspective heureuse, un horizon de lignes paisibles, un ciel terne et doux, où les peintres enluminent volontiers la courbe de l’arc-en-ciel au-dessus d’un presbytère confortable et d’un clocher pointu… Car la vieille Angleterre unit la vertu pratique à la poésie contemplative et ne peut se passer de la religion héréditaire qui, depuis plusieurs siècles, favorise si efficacement la besogne de sa police, le développement de son commerce, la réussite de sa diplomatie et le repos de sa conscience.