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La postérité a vengé miss Austen de l’injuste dédain où ses contemporains l’ont tenue et dont, par discrétion, elle ne s’est pas plainte. Les Anglais, qui, malgré leur flegme, vont aisément d’un extrême à l’autre, la comparent maintenant à Shakespeare. Le plus considérable critique de l’Angleterre contemporaine, M. Edmond Gosse, a loué avec enthousiasme sa lucidité « gaie, pénétrante, exquise ». Il la remercie d’avoir délivré, comme un bon ange, le roman anglais, qui pataugeait dans le « Marais du Désespoir », et il résume son jugement en ces termes :

En 1800, Maria Edgeworth ouvrit avec Château Rackrent la longue série de ses contes populaires, moraux et élégants. Leur couleur locale et leur caractère irlandais attirèrent l’attention ; mais ni les chauds éloges de Scott ni la valeur plus durable de ses « histoires pour les enfants » n’ont empêché miss Edgeworth de tomber dans l’oubli. Elle prépare la voie pour l’unique prosateur de cette période dont le génie soit à l’abri du temps, qui n’occupe pas une moindre place dans sa propre sphère que Wordsworth, Coleridge et Scott dans les leurs, — pour cette impeccable Jane Austen dont la réputation devient chaque jour plus inaccessible aux forces dévastatrices du temps et de la mode capricieuse. On a reconnu, depuis longtemps, Macaulay lui-même l’a remarqué, que le seul écrivain avec qui Jane Austen se puisse justement comparer est Shakespeare.

M. Edmond Gosse explique ce rapprochement imprévu :