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DERNIÈRES ANNÉES DE MARIVAUX.

approches de la mort. Il était soutenu, contre l’appréhension d’une fin trop brusque, par une étrange superstition.

Au temps de sa jeunesse, entrant un jour dans un café, à Lyon, il avait rencontré un petit vieillard vers lequel il avait été soudainement attiré par une invincible sympathie. Mais le mystérieux personnage avait esquivé son entretien. Il suivit jusqu’à la promenade ce vieillard dont la mine et les allures l’intriguaient de plus en plus. Vains efforts. Enfin, après bien des tentatives, il réussit à l’aborder. Ce vieillard lui dit :

« Je vous connais, monsieur de Marivaux ; et dès lors vous pouvez présumer que tout votre manège, depuis hier, pour tâcher à votre tour de me connaître ne m’est point échappé. Mais c’est à quoi, du moins quant à présent, vous chercheriez en vain de parvenir…. J’ai même connu votre père, ainsi que la plupart de vos parents…. Mais des raisons que je ne puis vous dire me forcent à vous prier de n’exiger de moi rien de plus…. Gardez-vous de me suivre, car, loin d’obtenir rien de plus, vous risqueriez, sans aucun fruit, de me nuire autant qu’à vous-même ! Je puis pourtant vous dire que vous m’intéressez et qu’il dépendra de vous d’en avoir de vraies preuves…. Quelque chose qui puisse m’arriver, soyez au moins sûr, et recevez-en ma parole, que vous ne mourrez pas sans m’avoir revu…. »

Le vieillard aussitôt s’éclipsa. C’était apparemment quelque fou. Marivaux ne le revit jamais et compta toujours sur lui. Cette espérance lui donna