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MARIVAUX.

vers le même temps, la reine Marie Leczinska pour son vieux chevalier d’honneur, M. de Nangis. Elle partagea ses chagrins, tempéra ses douleurs, supporta ses défauts, égaya, dans la froide saison des affections calmes, la solitude de son âme.

Il la demanda peut-être en mariage. Il était assez honnête pour cela. Elle sentit tout le parti que la moquerie publique pourrait tirer de cette aventure. L’opinion est inclémente aux unions trop tardives. Elle n’aime pas les noces de vieillards. À quoi bon, pensa Mlle de Saint-Jean, à quoi bon se donner en spectacle aux railleries du monde ? Nous deux, déjà branlants et chenus, marcher à l’autel comme de jeunes fiancés ? Eh, mon Dieu ! quelle comédie funèbre ! Non, à notre âge, il n’est plus temps de jouer les Dorantes et les Sylvies.

Donc ils ne se marièrent point. Mais, bravant courageusement les préjugés, sûrs de leur vertu, ils résolurent de demeurer ensemble. Mlle de Saint-Jean habitait rue de Richelieu, dans la paroisse de Saint-Eustache. Son appartement, clair et joli, s’ouvrait sur les jardins du Palais-Royal, qui n’étaient pas encore rétrécis et masqués par les rues de Valois, de Beaujolais et de Montpensier C’est là que Marivaux, ayant quitté son logis de la rue Saint-Honoré, acheva de vivre, demeurant, jusqu’à son dernier soupir, misanthrope et sentimental.

Cette honnête association n’alla pas cependant sans un contrat assez curieux, passé en bonne et due forme, par-devant notaire.

Le 16 octobre 1757, dans l’après-midi, par-devant