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MARIVAUX.

le bonhomme Danchet, Destouches, Crébillon le Tragique, Moncrif et La Chaussée, sans compter des prélats glorieux, tels que le cardinal de Rohan, l’archevêque Languet de Gergy, l’évêque Surin tombèrent d’accord pour rendre ce jugement, dont il faut citer les termes exprès : « Notre métier à l’Académie est de travailler à la composition de la langue, et celui de M. de Marivaux est de travailler à la décomposer ; nous ne lui refusons pas de l’esprit, mais nos emplois jurent l’un contre l’autre, et cette différence lui interdira toujours l’entrée de notre sanctuaire. »

En revanche, Mme de Tencin, qui était l’amie de Marivaux depuis trente ans, tâchait de vaincre ces résistances. Cette femme distinguée et tumultueuse se remuait beaucoup, mettait en mouvement tous ses amis. Nous avons la preuve de ce manège dans une note de police. Le gouvernement de ce temps-là s’intéressait si fort aux belles-lettres que le lieutenant de police entretenait des agents spécialement chargés de surveiller l’Académie. Un de ces agents griffonna pour ses chefs, le 23 novembre 1742, la note que voici : « On dit que Mme de Tencin se donne de grands mouvements pour obtenir une place d’académicien à M. de Marivaux ».

À la fin de cette année 1742, le secrétaire perpétuel de l’Académie mourut. C’était un abbé. Il s’appelait M. d’Houtteville. Ce bonhomme avait compilé une espèce de traité théologique, intitulée : La religion prouvée par les faits. Grand émoi parmi tous ceux et toutes celles qui avaient quelque candidature à recommander. Voltaire se mit sur les rangs.