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MARIVAUX.

qu’il s’était tracé. « Je me souviens, dit-il, qu’un jour j’étais dans une petite église où prêchait un bon religieux. On ne l’estimait pas beaucoup, car il n’avait que du zèle. Ce digne homme monta en chaire, il prêcha, et je me rappelle à cette heure qu’il prêcha mal, je veux dire qu’il n’était pas habile homme. Cependant je l’écoutai, je ne pus m’en empêcher, il gagna mon attention sans que je m’en aperçusse. Je ne songeai pas seulement s’il y avait de l’esprit au monde ; le mien se familiarisa je ne sais comment avec la simplicité du sien. Moi qui ne suis pas dévot, je m’intéressais à tout ce qu’il disait ; cela me regardait ; il traitait de mes affaires, il parlait comme un homme qui vous rapporte la vérité, comme un homme qui la croit, et qui, sans y employer d’art inutile, n’a d’autre secret pour vous persuader de ce qu’il dit, que d’en être persuadé lui-même…. » Et il conclut :

« La plupart des sermons ne sont que des pièces d’éloquence ».

Duviquet remarque judicieusement que ce travers de l’éloquence sacrée a été attaqué avec plus de vivacité et de force par La Bruyère, représentant un prédicateur qui arrive avec son sermon sous le bras, comme un commerçant avec une pièce de toile, et prêt à débattre contre le curé du lieu le prix de sa marchandise. Le même critique ajoute que, sans ce dangereux parallèle, le tableau peint par Marivaux paraîtrait d’une perfection achevée.

M. Larroumet a cru pouvoir établir que Marivaux était socialiste. Il prononce même, à ce sujet, le mot de sans-culotte. Quelque regret que j’éprouve à