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MARIVAUX JOURNALISTE.

Ceux qui connaissent Dieu, parce qu’ils l’aiment, qui sont pénétrés de ce qu’ils en voient, ne peuvent, dit-on, nous rapporter ce qu’ils en connaissent. Il n’y a point de langue qui exprime ces connaissances-là ; elles sont la récompense de l’amour, et n’éclairent que celui qui aime. Quand même il pourrait les rapporter, le monde n’y comprendrait rien ; elles sont à une hauteur à laquelle l’esprit humain ne saurait atteindre que sur les ailes de l’amour. Cet esprit humain va terre à terre et il faut voler pour aller jusque-là. Ceux qui aiment Dieu communiquent partout ce qu’ils en savent à ceux qui leur ressemblent ; ce sont des oiseaux qui se rencontrent dans les airs.

Saint Paul (cette piquante remarque est de M. Larroumet) avait dit à peu près la même chose dans sa première épître aux Corinthiens : Sed sicut scriptum est : Quod oculus non vidit nec auris audivit, nec in cor hominis ascendit, quæ præparavit Deus iis qui diligunt illum, — Nobis autem revelavit Deus per spiritum suum : Spiritus enim omnia scrutatur, etiam profunda Dei.

L’apôtre des Gentils ne s’attendait assurément pas à être un jour commenté si joliment par un auteur dramatique.

Marivaux, sans doute, lisait rarement l’Écriture. Mais il aimait à entendre les prédicateurs. Il les voulait zélés, simples, sincères, exempts de prétentions littéraires, animés par une ferveur tout évangélique. Songeait-il, dans ses légères satires, au Père Massillon, qui prêcha, pendant la Régence, des sermons dignes de ce temps, oratorien mielleux, bon apôtre dont les méchantes langues chansonnèrent la liaison avec la marquise de l’Hôpital ? Il se plaignait, en tout cas, que les sermonnaires ne fussent pas tous conformes au modèle intérieur