Page:Deschamps - Marivaux, 1897.djvu/72

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
64
MARIVAUX.

time l’esprit et la probité. Il y a surtout dans ses ouvrages un caractère de philosophie, d’humanité et d’indépendance, dans lequel j’ai trouvé avec plaisir mes propres sentiments. Il est vrai que je lui souhaite quelquefois un style moins recherché et des sujets plus nobles, mais je suis bien loin de l’avoir voulu désigner en parlant des comédies métaphysiques. Je n’entends par ce terme que ces comédies où l’on introduit des personnages qui ne sont point dans la nature, des personnages allégoriques, propres tout au plus pour le poème épique, mais très déplacés sur la scène, où tout doit être peint d’après nature. Ce n’est pas, ce me semble, le défaut de M. de Marivaux. Je lui reprocherais au contraire de trop z détailler les passions, et de manquer quelquefois le chemin du cœur en prenant des routes un peu détournées. J’aime d’autant plus son esprit, que je le prierais de ne le point prodiguer. Il ne faut pas qu’un personnage de comédie songe à être spirituel, il faut qu’il soit plaisant malgré lui, et sans croire l’être ; c’est la différence qui doit être entre la comédie et le simple dialogue. Voilà mon avis, mon cher monsieur, je le soumets au vôtre.

Cette lettre, très jolie, très sensée, et qui serait parfaite si elle ne contenait un gros mensonge, fut suivie par une quantité d’autres épîtres, où Voltaire, de plus en plus inquiet, céda peu à peu à l’irritation de ses nerfs. Son caractère naturellement insolent reprit le dessus. Il finit par traiter Marivaux de misérable » et de « zoïle impertinent ».

Peine inutile. Fureur superflue. Marivaux se déroba aux offres engageantes de son libraire. Il était trop galant homme pour exposer aux représailles du garde des sceaux un ennemi contre lequel toutes les puissances de la terre semblaient alors se liguer.

On ne sera pas étonné, lorsqu’on aura recueilli tous ces faits, qu’un tel écrivain, bien qu’il se soit surtout occupé d’intrigues amoureuses, ait professé, pour son propre compte, les principes de la plus