dans l’invraisemblable ou dans le faux. Il veut se faire femme pour la circonstance, et c’est une difficile entreprise. Si « féministe » que fût Marivaux, il ne pouvait éviter certaines difficultés de cette tâche.
Je citerai, pour prouver l’incapacité où sont les hommes de parler ou d’écrire au lieu et place des femmes, une lettre que le Spectateur attribue à une dame qui veut combattre la passion d’un soupirant dont elle redoute les feux :
Vous m’aimez, monsieur, et quand vous ne me l’auriez pas dit tant de fois, je n’en serais pas moins persuadée. Oui, vous m’aimez ; je le savais même avant que vous me l’eussiez avoué. Je vous examinais quelquefois sans le vouloir, et je vous trouvais comme il me semblait qu’on devait être quand on aimait. Hélas ! je ne savais pas encore que je souhaitais alors de vous trouver comme vous étiez. Juste ciel ! moi, qui n’avais jamais eu d’amour, comment pénétraîs-je celui que vous me cachiez ? Comment étais-je sûre que je ne me trompais pas, etc.
On ne voit guère, semble-t-il, une femme écrivant une pareille lettre, à moins qu’elle ne soit arrivée à cet âge critique où l’on retourne malgré soi aux minauderies enfantines.
En revanche, on ne lira pas sans plaisir ni sans profit, les maximes éparses un peu partout dans les deux gazettes de Marivaux, et aussi dans un autre recueil de réflexions décousues, qu’il a intitulé, en 1728, l’Indigent philosophe. On aimerait à classer toutes ces menues pièces, comme des monnaies anciennes dans un médaillier.
C’est une qualité, dans un amant bien traité, que d’être un caractère exactement constant ; mais ce n’est pas une grâce, c’est même le contraire ; on dirait d’un mari qui fait bon ménage. Tout ce qui sent la règle, tout ce qui n’est que con-