avait assez belles. Écoutez, elle n’est plus dans cette grande jeunesse ; au moins, elle se soutient pourtant assez bien. »
Marivaux, passé maître en l’art de déchiffrer les énigmes mondaines, traduisait mot à mot ce discours, au fur et à mesure qu’il l’entendait. À la place de tristesse, il mettait modestie. Il remplaçait rudesse par vivacité des yeux. Il retrouva ainsi tous les traits de la personne en question, comme un philologue retrouve une belle phrase sous les barbouillages d’un palimpseste. Il ne fut pas surpris, lorsqu’il alla voir la dame dont la caricature avait été si lestement brochée, de considérer un « air sage », une « blancheur mêlée d’un incarnat doux et reposé », des « regards vifs », et « je ne sais quoi de mignard, de tendre et de languissant ». Il triompha. Tel, un astronome qui aperçoit, au bout de sa lunette, un astre, préalablement découvert par la puissance du calcul.
Ayant l’habitude de réduire ses observations en aphorismes, il écrivit ceci sur son carnet :
De tous les mensonges, le plus difficile à bien faire, c’est celui par qui nous voulons feindre d’ignorer une vertu glorieuse à nos rivaux. Notre amour-propre, avec toute sa souplesse, est alors si défaillant sur ce point, qu’il ne peut dans ses fourberies se défendre de la passion qui l’agite ; cette passion le suit, il ne peut se l’assujettir ni la soustraire ; elle est empreinte dans tout ce qu’il nous fait dire, on la voit ; cela trahit sa malice et l’en punit.
Marivaux est ici dans son domaine de prédilection. Il y insiste avec une sorte de volupté intellectuelle. Le Spectateur français et le Cabinet du phi-