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MARIVAUX.

À cela, pas un mot de réponse de la dame du logis. En revanche, questions subites sur la pluie et le beau temps. Marivaux, qui sait entendre ce qu’on ne dit pas, observe que « ce silence ébauche un éloge ».

« On m’assurait l’autre jour, reprend une des personnes présentes, que son mari était jaloux, et il est vrai qu’on peut l’être à moins.

— Lui jaloux ? réplique la maîtresse de la maison, c’est un conte que cela ! Madame *** est d’une conduite si sage que cette faiblesse-là ne serait pas pardonnable à son mari ; et d’ailleurs, c’est une femme qui a beaucoup d’agréments, il est vrai ; mais n’avez-vous pas remarqué qu’elle est d’une physionomie extrêmement triste ?…

— Il me semble que non, hasarde un des interlocuteurs.

— Peut-être que je me trompe ; mais, comme elle n’a guère de teint, qu’elle a je ne sais quoi d’un peu rude dans les yeux….

— Elle, guère de teint et du rude dans les yeux ! s’écrie quelqu’un. Je lui ai toujours trouvé les yeux vifs, et la dernière fois que nous la vîmes, elle était plus vermeille qu’une rose….

— Bon ! le ciel la préserve d’être toujours vermeille à ce prix-là, la pauvre femme ! Elle avait une migraine affreuse ; voilà, monsieur, d’où lui venait ce beau teint. Non, non, assurément, le teint n’est pas ce qu’elle a de plus beau, et pour l’ordinaire elle est pâle ; aussi est-elle d’une santé assez infirme. Je ne connais point de femme plus sujette qu’elle aux fluxions ; cela lui a même gâté les dents qu’elle