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MARIVAUX JOURNALISTE.

devient piquant, à la faveur des services que lui rendent les autres traits qu’on lui associe…. Plusieurs difformités de visage, jointes ensemble, regardées en bloc, maniées et travaillées par une femme qui leur cherche un joli point de vue, en dépit qu’ils en aient, prennent une bonne contenance. »

Quant aux jeunes gens, il les regardait « se remuer, étonnés de la noblesse de leur figure ». Il les jugeait « vains, mais très sérieusement vains, et comme chargés de l’obligation de l’être ». Il tâchait de les « interpréter ». Et sans doute, en regardant ces messieurs, il retrouvait les gentils Dorantes, les Cléons musqués, et les Rosimonds très ridicules dont il a rempli ses comédies et ses romans. « Bonjour, chevalier, disait un survenant à celui qui était assis. As-tu vu la marquise ? Ah ! petit fripon, vous ne venez plus chez la duchesse. C’est mal, mais du dernier mal. Voilà nos gens courus, fêtés ; vous allez cent fois à leur porte, toujours en l’air ! Sais-tu quelle pièce on donne ? Qu’en dit-on ? Pour moi, je soupai hier en excellente compagnie ; la comtesse en était ; ah ! nous avions du vin exquis et l’on en but…. Le vieux comte se saoula rapidement. Tu juges que sa femme n’en fut pas fâchée ; elle est bonne personne…. Où soupes-tu ce soir ? Ah ! tu fais le mystérieux ! Eh ! fi donc, à ton âge !… Ah ! pas mal, pas mal. »

Lorsqu’il rencontre, dans ses promenades aux Tuileries, sur le Cours ou ailleurs, des originaux ou des grotesques, il s’occupe volontiers à les dessiner. Il crayonne au passage telle scène qui ressemble à l’ébauche d’un dialogue comique. Il note (car ce