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MARIVAUX.

entortillées ». Dans le même endroit, Le Sage poursuit de ses railleries « cinq ou six novateurs hardis » qui ont entrepris de a changer la langue du hlanc au noir ». Il n’est pas jusqu’à ce pauvre Palissot qui n’ait hlâmé, en ses alexandrins imités de Voltaire,

Une métaphysique où le jargon domine,
Souvent imperceptible à force d’être fine.

Évidemment, Marivaux éprouva l’envie de protester contre ces arrêts, trop souvent ratifiés par l’opinion moutonnière du public. Il le fit, selon sa coutume, sans nommer personne. On lit, dans la septième feuille du Spectateur français, cette explication, où l’on sent un peu d’acrimonie :

Ne vous a-t-on pas dit que cet écrivain, qui courait après l’esprit, n’était point naturel ? Eh bien ! n’avez-vous pas senti qu’on avait raison ? le moyen de n’en point convenir ! En le lisant, vous avez trouvé un génie doué d’une pénétration profonde, d’une vue fine et déliée, d’un sentiment nourri partout d’un goût de réflexion philosophique. Avec ce génie-là, avec un naturel si riche et si supérieur, on est par-dessus le marché nécessairement singulier, et d’un singulier très rare ; cela est donc clair, il n’est point naturel, il court après l’esprit….

Quand je songe à cette critique, surtout à celle de courir après l’esprit, je la trouve la chose du monde la plus comique, tant j’ai de plaisir à me représenter la commodité dont elle est à tous ceux qu’elle dispense d’avoir de l’esprit et qui n’en auraient point quand ils courraient après….

La sixième feuille du Cabinet du philosophe est un véritable discours sur le style, où l’auteur fait, avec une pénétration ingénue, la théorie de ses propres qualités ou, si l’on veut, de ses défauts. Il commence par déclarer qu’il ne conçoit pas la prétendue distinction, ordinairement établie par les pédants,