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MARIVAUX.

toutes ces nourritures pimentées dont maints lecteurs, paraît-il, ont besoin de se repaître aussitôt qu’ils sont levés et dans l’instant où ils se mettent au lit. J’y ai trouvé, en revanche, de l’esprit sans méchanceté, du savoir sans pédantisme, de la morale sans sermon, des remarques sensées sur l’éducation des filles, de la pitié sans pleurnicherie, de l’enjouement sans vulgarité, du talent sans cabotinage, c’est-à-dire exactement ce qui avait assuré au Spectateur d’Addison, dès l’année 1714, un si grand crédit. Marivaux réussit moins bien et ne fut peut-être pas très surpris par cette différence de traitement. « On ne saurait croire, disait-il en 1728, le plaisir qu’un Français sent à dédaigner les meilleurs ouvrages nationaux…. Eh ! où en serait-on, s’il fallait louer ses compatriotes ? Ils seraient trop glorieux et nous trop humiliés. Non, non ; il ne faut pas donner cet avantage-là à ceux avec qui nous vivons tous les jours Louons donc les étrangers, à la bonne heure ; ils ne sont pas là pour en devenir vains…. Voilà votre portraits, messieurs les Français !… » Et il continue sur ce ton, avec un peu d’humeur, notant notre tendance à nous enthousiasmer pour des fariboles venues de loin, ainsi que notre prétention à être des hommes de toute nation. Bref, il devient prophète sans le savoir et annonce expressément la venue de ces « cosmopolites » pour qui notre littérature sera peut-être obligée un jour d’exprimer des sentiments presque nègres en un langage rastaquouère.

En 1725, l’infante d’Espagne, fille de Philippe V, fit son entrée solennelle dans Paris. Cette princesse