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MARIVAUX JOURNALISTE.

Il publia d’une façon irrégulière, pendant deux ans, une espèce de journal, le Spectateur français recueil de morceaux sans suite et de fragments de pensées, assez semblables à ces rapsodies que nous appelons maintenant des chroniques. Il était lui-même le directeur et l’unique rédacteur de son périodique.

Marivaux a quelques-unes des qualités et quelques-uns des défauts qui font le bon journaliste : le don de l’improvisation, la clarté du style, la capacité de moraliser à propos de n’importe quoi, la faculté de « ne vivre que pour voir et pour entendre », et un certain sens de l’« actualité ». Il sait tirer, au jour le jour, de ce qu’il entend et de ce qu’il voit, des motifs de développement et des occasions de « copie ». On voudrait parfois qu’il insistât davantage sur les événements dont il a été le témoin, sauf à être plus avare de ces sortes d’anecdotes qui semblent inventées pour fournir à l’auteur un thème de dissertations.

Attiré par l’actualité la plus immédiate, volontiers enclin à observer et à critiquer ingénieusement ce qui se passe, au jour le jour, dans la vie, dans les livres, dans les mœurs, Marivaux fut un journaliste naïf. Il n’entendait rien au « lancement » de ses œuvres ou de ses entreprises. J’ai eu beau feuilleter la collection de ses recueils périodiques, je n’y ai trouvé ni un fait divers, ni un beau crime avec accompagnement d’« horribles détails », ni un scandale mondain, ni une dénonciation anonyme, ni un procès à a sensation », ni les aventures d’un comédien, ni les petits secrets d’une comédienne, ni les révélations sur les gens de lettres, ni enfin