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MARIVAUX.

ratures. Mais la malveillance de ses contemporains lui nuisit tout autant que ses propres défauts. Au siècle passé, comme aujourd’hui, le public des « premières » était une majorité d’oisifs, de critiques, d’envieux, de nouvellistes et de sots. Marivaux, comme tous les hommes de talent, avait beaucoup d’imbéciles à ses trousses, et les imbéciles, lorsqu’ils sont ensemble, réussissent tout au moins à faire du bruit. Marivaux avait, à ses débuts, un grave tort aux yeux de ses confrères. Il était riche, estimé, homme de belles manières et de bonne compagnie. Voilà plus qu’il n’en faut pour provoquer, sans le vouloir, des insurrections de plumes grincheuses et des tempêtes de sifflets.

Ses idylles mondaines, considérées comme des tableaux de genre, furent d’abord sacrifiées à des œuvres plus solennelles, dont personne à présent ne se souvient plus.

Marivaux supportait toutes les disgrâces avec cette philosophie souriante, qui semble avoir passé de son âme à lui dans celle de ses personnages préférés. Il dédaignait les injures, et ne répondait guère aux critiques que par de courts avertissements, insérés dans l’édition complète de ses œuvres. Il n’engageait jamais de polémiques personnelles. « Presque aucune de mes pièces n’a bien pris" d’abord, disait-il, leur succès n’est venu que dans la suite. Je l’aime bien mieux de cette manière-là. » Il comptait naïvement sur la postérité, qui en effet lui a rendu justice. « Quelques vertus, disait-il, quelques qualités que l’on ait, par quelque talent qu’on se distingue, c’est toujours, en fait de