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MARIVAUX.

l’Amour (1727), le Jeu de l’Amour et du Hasard (1730), l’École des Mères (1732), les Fausses Confidences (1737), l’Épreuve (1740) ne furent accueillis sur la scène des Français, rue des Fossés-Saint-Germain, qu’après avoir paru d’abord chez les Italiens de l’hôtel de Bourgogne.

Les échecs de Marivaux furent nombreux. Le parterre préférait évidemment à ses fines quintessences les vins durs et épais qui grattent le palais et piquent la langue. Et puis, l’auteur de la Méprise n’allait pas, dans les cabarets et dans les casernes, recruter, comme le fit impudemment le sieur Marmontel, une claque de mousquetaires. Il faisait d’ailleurs amende honorable, toutes les fois qu’il le devait, avec sa bonne grâce habituelle. Il était modeste. Quand une pièce de lui n’avait pas réussi, il s’en attribuait bonnement le reproche, au lieu de s’emporter bruyamment contre le public. Il discutait peu avec ses détracteurs. Il n’aimait pas ces sortes de « procès par écrit » qui, selon le mot si juste de Voltaire, « condamnent les deux parties au ridicule ».

« J’ai eu tort, dit-il, en parlant de l’Île de la Raison, comédie en trois actes, représentée par les comédiens français, le 20 septembre 1727, j’ai eu tort de donner cette comédie-ci au théâtre. Elle n’était pas bonne à être représentée, et le public lui a fait justice en la condamnant. Point d’intrigue, peu d’action, peu d’intérêt ; ce sujet, tel que je l’avais conçu, n’était point susceptible de tout cela : il était d’ailleurs trop singulier ; et c’est sa singularité qui m’a trompé : elle amusait mon imagination. J’allais vite en faisant ma pièce, parce que je la