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MARIVAUX.

de Lelio, homme d’esprit et de science, écrivain à ses heures, et qui a laissé d’intéressantes dissertations sur l’art dramatique. Riccoboni avait entrepris de tirer le Théâtre-Italien de l’état de corruption où il était tombé, et qui avait décidé la police royale, en 1697, à interdire ses représentations. Il avait fait jouer à Venise le Menteur de Corneille, la Princesse d’Élide de Molière, le Chevalier à la mode de Dancourt, l’Homme à bonnes fortunes de Baron. — Il entendait que la comédie italienne ne fût plus un théâtre de farce. Il voulait substituer des pièces achevées et écrites aux gaudrioles insipides, aux pantalonnades, souvent grossières, sur lesquelles s’exerçait, avant lui, l’improvisation volontiers triviale de ces Arlequins et Pierrots d’Italie, qui étaient mimes et bouffons autant que comédiens.

Tandis que Lesage devenait, pour ainsi dire, le fournisseur attitré du théâtre de la Foire, Marivaux fut, avec Autreau, Fuzelier, Delisle, un de ceux qui travaillèrent le plus pour Riccoboni. Il ne lui donna pas moins de dix-neuf ouvrages. Il avait d’ailleurs trouvé sur la scène de la rue Mauconseil, restaurée en 1716 par le Régent, une comédienne faite à souhait pour représenter ses amoureuses et pour donner la réplique à Lelio.

Giovanna-Rosa Benozzi, surnommée Silvia, était une femme brune, aux yeux bleus, au teint clair. Son visage n’avait point cette régularité harmonieuse d’où résulte la beauté ; mais nul ne résistait à son charme. Au témoignage de ceux qui l’ont connue, sa taille élégante, son air noble, l’aisance de ses