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SES DÉBUTS DANS LE MONDE ET AU THEÂTRE.

dupe qui rendit Marivaux si sévère pour les grâces étudiées de la « Jeune fille au miroir ». D’ailleurs, il n’aimait pas ce qui est déraisonnable. « L’esprit sage, disait-il, est en même temps l’esprit sublime, car il n’y a de sublimité que dans les bons esprits. »

Marivaux écrivit encore dans ses années d’apprentissage (1713-1717) d’autres œuvres peu dignes de mention. Que dire du roman qui s’intitule les Aventures de *** ou les effets surprenants de la sympathie ? Que dire de la Voiture embourbée récit traînant que l’auteur n’eut même pas le courage d’achever ? Le moyen de lire sans bâiller l’Iliade travestie en douze livres et en vers, et que le duc de Noailles, à qui elle est dédiée, ne lut probablement jamais ?

Le premier morceau de prose qui ait attiré sur Marivaux l’attention de ses contemporains et de ses contemporaines, est une sorte de chronique allongée qui s’intitule le Triomphe du Bilboquet ou la Défaite de l’Esprit, de l’Amour et de la Raison. C’était une satire assez ingénieuse contre une de ces modes bizarres dont la contagion se répand de temps en temps, parmi les gens du monde, troublant l’intelligence de ceux qui en ont, et achevant d’abêtir ceux qui n’en ont pas. En 1715, le jeu du bilboquet faisait fureur dans la société française. À la ville, à la campagne, on ne jouait qu’au bilboquet. Une actrice, très fantasque et par conséquent adorée du public, Mlle Desmares, jouait au bilboquet tout en donnant la réplique aux héros de tragédie et cela faisait rire le parterre. Bref, c’était un fléau qui menaçait de devenir mortel à la conversation des hommes et