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SES DÉBUTS DANS LE MONDE ET AU THEÂTRE.

de Mme de Lambert, survenue en 1733. On voyait dans la « ménagerie » de Mme de Tencin, des « bêtes » fort curieuses : le marquis d’Argenson, le président de Montesquieu, le financier philosophe Helvétius, l’incrédule et superstitieux Bolingbroke, le jovial Piron. Cette dame eut des aventures fâcheuses. Un de ses anciens amants, M. de la Fresnaye, à qui elle avait voulu, dit-on, escroquer de l’argent, se tua chez elle, de quatre coups de pistolet, le soir du 6 avril 1726. Elle fut emprisonnée au Châtelet, puis à la Bastille, jugée et acquittée. Cette dame, après avoir fait de son propre frère un cardinal et un conseiller d’État, entreprit, sur le déclin de sa vie, de défendre les bonnes mœurs. Elle obligea notamment le fermier général Le Riche de la Poupelinière à épouser Thérèse des Hayes, fille de l’actrice Mimi Dancourt. Elle fut la marraine de Mme de Pompadour. Elle eut, quant à elle, en 1717, un fils, qu’elle abandonna sous le portail de l’église Saint-Jean-le-Rond, et qui, recueilli par un ménage de vitriers, devint le célèbre d’Alembert.

On rencontrait, chez cette aventurière, d’ailleurs fort dévouée à ses amis, des gens qui vraisemblablement aiguisaient à l’avance la plupart de leurs bons mots, et travaillaient leurs anecdotes, leurs contes, leurs maximes. On y trouvait sans doute quelques-uns de ces discoureurs qui conférencient sans pitié devant les femmes, et à qui l’on est toujours tenté d’offrir un verre d’eau sucrée. Helvélius, jeune encore, « y recueillait pour semer un jour ».

Marivaux fréquentait ce cercle avec une assiduité