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MARIVAUX.

n’aurait qu’à choisir entre les nombreuses Agnès disposées à préférer ses millions et son amour quasiment paternel à l’amour pur et simple d’un jeune homme.

Ce n’est pas pour arriver à cette position privilégiée que Marivaux refusa, pendant assez longtemps, de s’engager dans les liens du mariage. Il se méfiait des femmes, parce qu’il avait souffert, tout jeune — subtilement — à cause d’une femme.

Lorsqu’il revint à Paris, apparemment pour y chercher des sujets d’étude élégante que les Limousins ne lui donnaient pas, il trouva, aux « mercredis » de la marquise de Lambert, belle-fille du spirituel Bachaumont, des personnes dont la politesse et l’ingénieux artifice lui plurent infiniment.

Le chansonnier Collé, qui était alors précieux, pour faire comme les autres, chantait chez la marquise. « Avec son grand nez, sa petite perruque, sa mine étonnée, son air grave et son imperturbable et sérieuse gaieté, se divertissant de tout et ne riant de rien », il rimait des gentillesses. Ceci, par exemple :

Qu’il est heureux de se défendre
Quand le cœur ne s’est pas rendu !
Mais qu’il est heureux de se rendre
Quand le bonheur est suspendu !
Souvient, par un malentendu,
L’amant adroit se fait entendre.

Cette façon de mettre l’amour en énigme était déjà la caricature du marivaudage, avant que le marivaudage fût créé et mis au monde.