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LE MARIVAUDAGE.

Sulpice et les murailles de l’Odéon, il n’y avait pas de place, apparemment, pour l’auteur du Jeu de l’Amour et du Hasard.

Nous venons de voir pourtant que, par l’usage qu’il fît de son rare talent, par la hardiesse voilée de ses tentatives, par la générosité de sa propagande morale et (j’oserais dire si ce mot n’était devenu dans ces derniers temps un mot trop gros) par ses préoccupations sociales, il mérite — si différent qu’il soit de ses successeurs immédiats — d’être replacé dans le mouvement général du xviiie siècle. Le « souffle vigoureux de la philosophie », comme disait le baron Grimm, aurait dû épargner la floraison charmante et salutaire du marivaudage. Mais les précurseurs sont toujours plus ou moins méconnus. On ne remarque point que Marivaux, avant la prédication de Rousseau, avait conseillé discrètement le retour à la sincérité, à la simplicité, à la nature. On oublia que les spirituelles maximes de l’Indigent philosophe recommandaient, avec moins de fracas, les mêmes réformes que les tirades du Vicaire savoyard. Son théâtre, presque oublié pendant de longues années, a reconquis, dans ces derniers temps, la faveur du public délicat. Ce n’est pas assez. À présent, notre auteur doit être retiré du coin d’étagère où l’on avait coutume de le reléguer comme un gentil bibelot ; il reprend sa place dans la lignée des nobles écrivains, qui ont su associer à l’art de peindre les hommes le souci de les amender, et à l’habitude d’observer le réel le culte passionné de l’idéal.

FIN