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MARIVAUX.

colifichets, et de préférer à tous les falbalas un buisson d’épines, une haie, une grange, un pré et le fumet d’une omelette au cerfeuil. On voulait revenir à la nature. Les femmes faisaient semblant de renoncer aux plaisirs de la conversation sentimentale, et aspiraient à l’honneur d’être uniquement nourrices. L’auteur d’Émile faisait entrer l’enfant, le berceau et la layette dans la littérature, et réconciliait la maternité avec la mode. Les hommes affectaient déjà de songer avec emphase aux problèmes de la dépopulation. Le siècle devenait pastoral avec fureur, et l’on confondit le retour à la nature avec l’abolition de la société. Les faiseurs de sermons remplaçaient les diseurs de compliments. Les moralisateurs succédaient aux moralistes, et semblaient dire des choses nouvelles parce qu’ils parlaient sur un ton nouveau. Voltaire, qui savait se plier à toutes les exigences de l’opinion, écrivit son Commentaire des délits et des peines, et improvisa son Dictionnaire philosophique, afin de faire oublier qu’à ses débuts il n’avait guère été qu’un Fontenelle moins la bonne éducation. Les peintres s’appliquaient à suivre la route indiquée par Vien, « sectateur » des Grecs, et s’acheminaient vers la solennité de David. En même temps, la manie des archéologues substituait une architecture néo-classique aux menus décors, aux lambris légers, aux volutes et aux courbes, à toutes les sinuosités et à toutes les inflexions où s’était plu la fantaisie du siècle commençant. La saison clémente où l’esprit et la manière de Marivaux avaient fleuri comme en serre chaude était finie. Entre d’Holbach et La Mettrie, entre la colonnade de Saint--