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MARIVAUX.

gaie et la probité de son cœur. Incomparable amie, femme dont la tendresse est douce et forte, on peut répéter en son honneur ce mot de l’Écriture : « Elle est comme une fleur de joie épanouie dans la maison ».

Et l’on voit, d’autre part, ce que le peintre de cette ravissante image pense de ceux qui cherchent dans le mariage autre chose que les plus profondes délices auxquelles puisse aspirer notre cœur. On a vu comme il traite ces unions de « convenance » ou de a raison », qui enthousiasment les mères prudentes, font pleurer de joie les grands-parents et les tantes, égalisent deux piles de gros sous, et brisent d’avance un nombre infini de destinées, en jetant dans une impasse deux malheureux. Il est peut-être, en France, le premier auteur de comédies qui ait pris l’amour tout à fait au sérieux. Il est le peintre des fiançailles merveilleuses. Il a écrit avec délices l’exquise préface du mariage d’inclination.

Les jeunes gens, les jeunes filles, les veufs et les veuves de Marivaux, tous gens qui ne se recherchent que pour le bon motif, ont tellement peur de tomber dans la misère des unions mal assorties, qu’avant de prononcer les mots irréparables qui lient pour jamais, ils s’interrogent sans relâche, scrutent leurs sentiments, s’efforcent de voir clair dans leur cœur poussent jusqu’aux dernières limites, presque jusqu’à la torture de l’âme inquiète, l’analyse infinitésimale de soi. Dans cet Embarquement pour Cythère, ils ont peur des exagérations, des emphases, des grimaces par lesquels on ment aux autres et à soi-même. Tous et toutes, ils ont fait l’impossible rêve d’être aimés pour eux-mêmes. De