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LE MARIVAUDAGE.

vaux s’est plu à nous dire ce qui devrait se passer avant cette grande aventure. C’est pourquoi il fut un biographe de jeunes filles.

Ainsi se dessinait, dans l’esprit de Marivaux, ce type idéal de la jeune Française, qui se généralisera peut-être un jour, que l’on commence à apercevoir çà et là, dans le monde où l’on travaille : la jeune fille comme nous la souhaitons, la figure nécessairement nouvelle, que de nouvelles mœurs façonnent parmi nous dans l’élite, la forme neuve d’un genre qui évolue comme tout le reste, la frappe récente d’une médaille qui a été remise à la fonte et dont le métal est resté pur. Cette jeune Française n’a plus, j’en conviens, les paupières baissées d’Agnès, ni le maintien d’Angélique, ni les retraites pudibondes ni les attitudes penchées de « mam’selle Nitouche ». Elle n’a pas non plus cet esprit de bagatelle, que Marivaux a noté chez les femmes de son temps. Les vieux messieurs disent peut-être, au cercle, que son allure est trop vive et décidée. Elle sait tendre la main franchement, loyalement. Elle entre dans la vie, les yeux ouverts, rebelle aux mensonges, prête à la vaillante acceptation de tous les devoirs, résolue à se donner sans réserve à l’élu qu’elle aura choisi, préservée de toute souillure par le respect de soi-même, plus exposée sans doute que les pensionnaires d’autrefois, mais fortifiée, trempée, comme une fille de bonne race, contre les dangers dont elle a le sentiment vague, par l’usage qu’on lui laisse faire de sa volonté. Vraiment, je préfère à toutes les simagrées des « petites oies blanches » la droiture de son regard, sa franchise