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LE MARIVAUDAGE.

laire selon laquelle les hommes et les femmes, en Occident, s’unissent légalement, par contrat notarié. Et il pense, avec raison, qu’il n’y a pas, au monde, de plus importante affaire que cet événement. Remarquez d’ailleurs que nos plus hardis bousculeurs de lois, Alexandre Dumas fils, M. Paul Hervieu, ont fait comme lui, et laissent décidément aux féministes, mâles et femelles, la thèse de l’union libre. Jusqu’à nouvel ordre, le mariage est encore, quand on s’aime, le meilleur moyen, le plus commode, le plus simple et le plus honnête de se rencontrer souvent.

Marivaux donc n’a pas touché au mariage. Régulièrement, à la fin de son troisième acte, il marie en bonne et due forme, par-devant notaire, sa jeune première et son jeune premier. Mais avant de procéder à cette cérémonie il montre, par des analyses consciencieuses, de quelles précautions il faut entourer une détermination si grave, afin qu’elle ne soit pas incompatible avec le bonheur. Chacune de ses comédies est une aimable leçon de prudence et une invitation réitérée aux circonspections qui aboutissent à la suprême félicité. Ainsi, ce moraliste délicat, et qui de loin semble timide, allait à l’encontre des travers de son siècle. Au moment même où il était de bon ton de dire que le mariage n’est une grosse affaire que pour les petites gens, dans le siècle où le prince de Lambesc fut à la mode pour avoir répété partout qu’il n’aimait point Mlle de Montmorency, et qu’il l’épousait pour son argent, quelques années avant le jour où le ministre Choiseul se vantait de n’avoir pas