Page:Deschamps - Marivaux, 1897.djvu/190

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
182
MARIVAUX.

Dans cet état, il lui reste encore le plaisir d’en regretter noblement la perte…. » Il y a tout un roman de George Sand dans ce petit morceau.

Marivaux n’a pas cédé à la tentation de parcourir le champ illimité où s’est espacée, depuis, notre fougueuse romancière. Mais, persuadé dans le fond de son cœur que l’amour est le grand ressort sans qui l’humanité s’arrêterait, et qu’une société qui lui résiste trop durement se suicide, il a entrepris de réconcilier l’amour avec la raison, avec les mœurs, avec les lois, avec les préjugés.

Il a rencontré naturellement, sur sa route, l’antique institution du mariage. Il l’a respectée. Certes, il connaît les inconvénients du mariage. Il en sait que parfois les lendemains de la noce sont décolorés par la désillusion, par les regrets. « Des gens, disait-il, s’épousent, ils s’adorent en se mariant, ils savent bien ce qu’ils ont fait pour, s’inspirer mutuellement de la tendresse ; elle est le fruit de leurs égards, de leur complaisance et du soin qu’ils ont eu de s’offrir toujours de part et d’autre dans une certaine propreté qui mît leur figure en valeur, ou qui du moins l’empêchât d’être désagréable ; ils ont respecté leur imagination, qu’ils connaissaient faible, et dont ils ont craint, pour ainsi dire, d’encourir la disgrâce en se présentant mal vêtus. Que ne continuent-ils sur ce ton-là quand ils sont mariés ? Et si c’est trop, que n’ont-ils la moitié de leurs attentions passées ? Pourquoi ne se piquent-ils point d’être aimés, quand il y a plus que jamais de la gloire et de l’avantage à l’être ? » Malgré tout, Marivaux ne consent pas à ébranler la coutume sécu-