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MARIVAUX.

par vaux, on peut aller loin. Jacob ne se contente pas d’épouser un sac d’écus. Il profite de cette aubaine pour se divertir. La disproportion d’âge entre deux époux excuse l’infidélité. Jacob suivant cette maxime fait la cour à une dame. Mais il est trompé par cette dame, et cette expérience lui enlève les derniers vestiges de la confiance qu’il accordait au genre humain. Guéri des amourettes, notre héros se pousse dans les antichambres et dans les cabinets des ministres. Sa fortune est désormais établie. Le voilà contrôleur général des fermes en Champagne, fermier-général et seigneur de ce même village d’où il était sorti en sabots.

Ce roman s’achève par des peintures édifiantes. Jacob, n’ayant plus rien à désirer, devient respectable. Le Benedicite, la Bonne éducation, la Mère laborieuse et tous les tableaux de famille où s’est répandue l’âme du bon Chardin ne sont pas plus touchants que les derniers chapitres du Paysan parvenu.

Marivaux a très bien vu quelques-uns des résultats où devait aboutir le mouvement social de son siècle. Une noblesse qui ne donnait plus l’exemple des vertus nobles était nécessairement condamnée à favoriser le progrès des intrigants de bas étage. Quand les petits sont scandalisés par les grands, ils deviennent eux-mêmes des sujets de scandale. Ils renchérissent sur les vices de leurs maîtres, en les imitant. La fête perpétuelle du xviiie siècle a fait naître des trouble-fête d’abord inoffensifs et ensuite redoutables. Jacob a été encouragé par l’exemple de Turcaret. Et c’est le comte Almaviva qui, en fin de compte, est responsable du terrible Figaro.