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LE PAYSAN PARVENU.

Tous les soirs, à cinq heures, spectacles. Marivaux ne nous donne point de détails sur ces divertissements. Mais l’histoire du Paysan parvenu se passe vers l’année 1735, et nous pouvons suppléer à la parcimonie du narrateur. Madame va aux Italiens, aux Français, à l’Opéra, sous prétexte de se pâmer, à la clarté des bougies, devant les poèmes de Voltaire, devant la musique de Rameau, devant les grâces frelatées de Mlle Le Breton, devant les décors de Parrocel ou de Servandoni, en réalité pour écouter les fadaises de quelque chevalier à la mode ou de quelque robin musqué. Après le spectacle, souper aux Porcherons ou au Port à l’Anglais. Après quoi, il est de bon ton d’aller manger des macarons et boire du ratafia au pont de Neuilly. On rentre à la maison quand sonne l’Angélus. De temps en temps, on joue au lansquenet, à la bassette, au pharaon. Non pas que ces jeux soient amusants. Mais c’est qu’ils sont défendus par arrêts du Conseil et par ordonnances de police.

Si Jacob avait apporté, de sa ferme champenoise, quelques scrupules, il les aurait vite perdus en pareille société. Les étapes de sa fortune furent rapides.

Après avoir séduit une jeune chambrière dont il dissipa les économies, il trouva sur son chemin une vieille fille de cinquante ans, fort dévote, fort riche, à laquelle il plut par sa jeunesse et par sa verdeur. Il ne craignit pas de se marier avec elle pour avoir de l’argent. « Bah ! songeait-il avec philosophie, la vie se passe, et plus on va plus on se crotte. »

Lorsqu’on est résigné à se crotter par monts et