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LE PAYSAN PARVENU

d’illustres maisons par le mariage de deux de ses fils, dont l’un a pris le parti de la robe et l’autre celui de l’épée. On connaît leur origine, mais on n’en parle plus. Le tour est joué. « La noblesse de leurs alliances a achevé d’étourdir l’imagination des autres sur leur compte ; de sorte qu’ils sont confondus avec tout ce qu’il y a de meilleur à la cour et à la ville. » Et rien n’empêche ces maltôtiers de fréquenter des princes, seigneurs et pairs, des maréchaux de France, des colonels généraux et des chevaliers de l’Ordre.

Jacob (il faut nous résigner à garder au paysan parvenu ce nom biblique et vague) sait semer, labourer la terre, travailler la vigne. Mais ces occupations rustiques ne suffisent pas à son ambition. Il quitte le clocher de sa paroisse, et vient à Paris pour conduire des barriques de vin au pas de deux percherons, chez son seigneur (dont nous ne connaîtrons pas davantage le nom propre). Mis en goût par l’accueil qui est fait à sa bonne mine, il demeure dans la grande ville, et forme la résolution d’y faire son chemin.

La maison où il sert (et dont nous ne saurons jamais ni la rue ni même le quartier où elle est située) ne laisse pas d’être fort divertissante.

Voici l’emploi du temps de la dame du logis, personne aimable et frivole, qui a « de la hauteur et de l’embonpoint ».

Lever à une heure après midi. Toilette longue et minutieuse C’est l’instant où madame, au saut du lit, « reçoit ses amants » (ici, l’auteur, d’ordinaire si discret, devient presque brutal). Tandis que les cham-