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MARIVAUX.

l’antiquité. C’est une figurine, mais faite de la plus précieuse argile, et qui semble modelée par un caprice de la nature pour répondre au rêve d’un artiste noble et spirituel. Son profil a des fantaisies dont la grâce est plus avenante que la symétrie des modèles classiques. Ses cheveux, qui bouffent un peu, en boucles brunes, sur la blancheur de son front étroit, semblent flotter au vent d’une fantaisie légère. La ligne de ses sourcils n’obéit pas à ces prétendues règles où le pédantisme des académies voudrait enfermer le visage humain, mais leur mobilité exprime tour à tour les inquiétudes et les joies d’une âme qui ne sait rien cacher. Ses yeux où scintille une lumière divine, ses yeux profonds et gais, regardent les choses et les gens bien en face, avec une franchise que voile, de temps en temps, une ombre de tendresse ou un nuage de mélancolie. Son nez fin, que les gens difficiles trouvent peut-être un peu trop relevé du bout, a de l’esprit. Ses dents claires font étinceler son sourire.

Il y a, dans toute sa personne, une singulière harmonie de qualités qui semblent contraires. Elle est fine et forte. Son caractère est fait de bravoure et de douceur, d’initiative audacieuse et de réserve discrète, de vigueur et de désinvolture. Sa coquetterie n’est que l’effet d’une bonté ingénieuse qui cherche à mettre de l’agrément dans la vie de tous ceux qui l’entourent. Douée d’une énergie qui la dispose à l’action, elle cède volontiers au fier instinct, qui la mène, par delà les vulgarités quotidiennes, vers les mirages du rêve. Elle entre, avec un charme de droiture et de vaillance, dans la mêlée