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MARIANNE.

menuisier de Mme de Pompadour, et Meunier, fournisseur de Mme Geoffrin, — aimaient à introduire dans les commodes en bois de rose, dans les coffres à secrets, dans les bureaux à cylindre, et jusque dans les guéridons aux encoignures de laque ornées de cuivres chantournés.

Comme les meubles de ce temps-là, ce roman-feuilleton est fait de pièces et de morceaux. La ligne droite en est bannie. Tous les angles sont rabattus. Cela n’est pas composé. Cela est compliqué. Une marqueterie ingénieuse y combine les ciselures, les appliques, les guirlandes et les bouquets. Ce ne sont que festons, mosaïques, rubans et bordures dans le style rocaille. Mais hélas ! le vernis Martin qui donnait du lustre à toutes ces gentillesses s’est fané et, par endroits, s’est écaillé. On aperçoit malaisément les couleurs que le peintre a voulu fixer. L’action du temps et les changements de la mode ont vaincu l’habileté du pinceau.

Ces réserves faites, il faut reconnaître qu’avec du soin et de l’attention, on pourrait aisément extraire de la Vie de Marianne, une précieuse quintessence de psychologie. Cette confession d’une jeune fille abonde en révélations sur l’âme féminine. Et Marianne est bien la jeune fille selon le cœur de Marivaux. C’est évidemment celle qu’il eût aimée, si le hasard l’avait mise sur son chemin, celle vers qui allait son regret, aux heures lourdes où il sentait s’aggraver le poids de son long célibat.

La voici :

Les traits de son visage n’ont point cette régularité achevée, que l’on admire dans les statues de