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MARIVAUX.

point un reproche, ce n’est pas votre faute ; mais, entre nous, qu’est-ce qu’on devient avec cela ? On reste sur le pavé… On vous ôte un amant qui est trop grand seigneur pour être votre mari ; mais en revanche, on vous en donne un autre que vous n’auriez Jamais eu, et dont une belle et bonne fille de bourgeois s’accommoderait à merveille. »

L’entrevue de Marianne et de l’époux que l’autorité supérieure veut lui imposer est contée avec une malicieuse bonhomie. Jamais on ne parla davantage de la pluie et du beau temps. Le personnage est de la catégorie de ceux qui épousent des « orphelines avec tache ». Après avoir beaucoup barguigné, il finit par dire gauchement et brutalement : « En cas de mariage, il n’y a personne qui ne soit bien aise d’entrer dans une famille ; moi, mademoiselle, je m’en passe ». Outrée par ce compliment, Marianne, d’un geste vif et d’une parole brusque, envoie promener ce malotru.

Comment cette jeune fille, abandonnée, persécutée, échappe à ce nouveau danger ; comment le volage Valville courut vers d’autres amours sans que Marianne eût sujet de le regretter outre mesure ; comment un officier, un peu mûr, mais pourvu de vingt-cinq mille livres de rentes, offrit à ladite Marianne son cœur, sa fortune et sa main ; comment Marianne fut tentée de se faire religieuse, afin de se soustraire aux tentations et aux duperies du monde ; comment elle fut détournée de ce projet par les discours d’une sœur converse ; comment enfin M. de Valville, revenu de ses erreurs, rendit heureuse, par une conduite parfaite, celle dont il avait d’abord