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MARIVAUX.

Voilà Marianne sur le pavé, seule, parmi les embarras de la rue, sans guides. « Plus elle voit de monde et de mouvement dans cette prodigieuse ville de Paris, plus elle y trouve de silence et de solitude. Une forêt lui paraîtrait moins déserte…. La foule des hommes qui l’entourent, qui se parlent, le bruit qu’ils font, celui des équipages, la vue même de tant de maisons habitées, tout cela ne sert qu’à la consterner davantage. » Elle se dit à elle-même : « Que ces gens-là sont heureux ! Chacun a sa place et son asile. La nuit viendra, et ils ne seront plus ici, ils seront retirés chez eux ; et moi, je ne sais où aller, on ne m’attend nulle part, personne ne s’apercevra que je lui manque. »

Sauvée de ce cruel dénuement par la charité d’une dame qui la fait entrer comme pensionnaire dans un couvent, Marianne voit enfin luire à ses yeux des perspectives plus agréables. Cette dame a un fils qu’elle voudrait marier, et qui est tombé en mélancolie depuis le jour où il a rencontré, au sortir de la messe, certaine petite fille dont il est éperdument féru…. On a compris sans peine. Cette petite fille n’est autre que Marianne. Quant au jeune hypocondre, c’est justement l’impétueux Valville, si prompt à secourir les belles inconnues quand elles sont renversées par un fiacre. Et la noble bienfaitrice est la propre sœur du répugnant M. de Climal !

Entrevue de Marianne et de Valville dans le parloir du couvent. Dialogue amoureux.

« Quel dessein, monsieur, pouvez-vous avoir en m’aimant ?

— Celui de n’être jamais qu’à vous, celui de