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MARIVAUX.

gonard, elles guettent toujours l’heure du berger. Quand elles ont donné, à leurs maîtresses, d’élégantes leçons de marivaudage, elles marivaudent pour leur propre compte, à l’office. Elles ne savent pas regimber aux agaceries. Elles se laissent cajoler, lutiner, chiffonner dans l’antichambre. Mais par qui, grands dieux ! Par Lubin, Crispin, Frontin, toute la séquelle des valets de la comédie italienne, toute la postérité d’Arlequin et de Pierrot, cent fois bafouée sur les tréteaux de la foire Saint-Laurent et de la foire Saint-Germain, sans doute apprivoisée, polie par Marivaux, lignée inquiétante tout de même, dont sortit, pour l’étonnement et l’effroi de la postérité, l’immortel chenapan Figaro.

Trivelin, au premier acte de la Fausse Suivante, résume leur carrière à tous, et annonce les exploits de Beaumarchais, en s’écriant : « Depuis quinze ans que je roule dans le monde, tantôt maître, tantôt valet, toujours industrieux, ami des fripons par intérêt, ami des honnêtes gens par goût, traité poliment sous une figure, menacé d’étrivière sous une autre, changeant à propos de métier, d’habit, de caractère, de mœurs, risquant beaucoup, résistant peu, libertin dans le fond, réglé dans la forme, démasqué par les uns, soupçonné par les autres, à la fin équivoque à tout le monde, j’ai tâté de tout. Je dois partout. J’ai logé partout, sur le pavé, chez l’aubergiste, au cabaret, chez le bourgeois, chez l’homme de qualité, chez moi, chez la justice, qui m’a souvent recueilli dans mes malheurs…. »

Cinquante-cinq ans après cette tirade, la Révo-