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MARIVAUX.

démontrent aussi, avec de légers changements dans l’intrigue, la Double Inconstance, la Fausse Suivante, le Dénouement imprévu, la Méprise, le Legs, les Fausses Confidences. Cette Surprise de l’Amour est encore un menuet où les personnages marchent l’un vers l’autre en ayant l’air de s’éviter. Jamais les points sensibles par où le cœur d’une femme est facile à prendre n’ont été discernés avec plus de pénétration, ni montrés avec un art plus discrètement impitoyable. La marquise veut rester veuve. C’est entendu. Elle refuse ou prétend refuser des hommages dont le but avoué serait de la décider à un remariage dont l’idée seule lui fait horreur. Elle ne se pique plus ni d’agrément ni de beauté. Elle souffre cependant que sa suivante Lisette arrange ses cheveux et ajuste son corsage. Elle s’interdit de plaire, mais elle serait fâchée si elle déplaisait. Si on lui fait la cour, elle se défend contre les avances amoureuses. Mais, si l’on renonce à lui faire la cour, elle se croit rebutée, redoute le manque d’égards et d’attentions, craint de voir s’affaiblir le pouvoir de ses charmes. Elle est d’ailleurs infiniment gracieuse dans le jeu à la fois naïf et compliqué où excelle sa finesse mondaine. Les paroles qui lui échappent sont toujours ingénieuses, même lorsqu’elles sont imprudentes. Il y a, dans ses moindres démarches, un calcul qui est à la fois subtil et spontané. Son inclination secrète se trahit par des mots naturels et habiles. Parfois le timbre de sa voix semble se voiler d’un ressouvenir triste et se briser d’un léger sanglot, vite réprimé. Le rire étincelant de cette jeune femme se fond en dou-