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JEUNES FEMMES.

Vos avis sont prudents, vos maximes sont sages ;
Mais malgré tant de soins, malgré tant de rigueur,
Vous ne pouvez d’un jeune cœur
Si bien fermer tous les passages,
Qu’il n’en reste toujours quelqu’un pour le vainqueur.
Vous qui sans cesse à vos fillettes
Tenez de sévères discours (bis)
Mamans, de l’erreur où vous êtes
Le dieu d’Amour se rit et se rira toujours (bis).

Ces « fillettes », devenues femmes, s’appellent Araminte, ou simplement la marquise, la comtesse, et nous allons les retrouver dans les Fausses Confidences, dans les Sincères, dans le Legs. Leur beauté ne perd rien, tant s’en faut, à s’approcher de ce moment si court, que l’on appelle, d’un mot fâcheux, la maturité, et qui est le point de perfection en deçà duquel il n’y a que des promesses, au delà duquel il n’y a que des ruines. Le temps, en amortissant l’éclat de leur jeunesse, a rendu leur beauté plus précieuse. Les années les ont faites plus habiles dans les savantes pantomimes de l’amour. Elles se rengorgent à ravir, et la pantomime de l’éventail n’a plus de secret pour leur expérience. Un charme de mélancolie, fruit amer et doux de la déception sentimentale, les enveloppe d’un voile qui rehausse, par l’attrait du mystère, le prix de leur préférence et le prestige de leur faveur. C’est l’âge où les faiblesses des femmes ont quelque chose de hautain et d’attristé. Leur coquetterie, un peu désabusée par l’apprentissage du sentiment, connaît les chemins détournés par où l’on arrive plus aisément à la victoire. Elles n’ignorent pas que, pour entretenir l’amour qu’on a pour nous, il est bon