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MARIVAUX.

— Vous n’auriez donc rien de favorable à me répondre ?

— Il faut que je me taise encore.

— Toujours par politesse ?

— Oh ! toujours.

— Parlez-moi franchement ; est-ce que vous me haïssez ?

— Vous embarrassez encore mon savoir-vivre. Seriez-vous bien aise si je vous disais oui ?

— Vous pourriez dire non.

— Encore moins, car je mentirais.

— Quoi ! vos sentiments vont jusqu’à la haine, Angélique ?

— Vous qui êtes, à ce qu’on m’a dit, un très honnête homme, si en faveur de ma sincérité, vous vouliez ne me plus aimer et me laisser là !

— Mon intention assurément n’est pas qu’on vous contraigne.

— Ce que vous dites là est bien raisonnable, et je ferai grand cas de vous si vous continuez…. »

Chez Marivaux, les soupirants à barbe grise ont toujours tort. Il faut que le cœur et la main se suivent. Le sort le plus triste est d’être uni avec ce qu’on n’aime pas. La vie alors est « un tissu de langueurs ». La vertu même, en nous secourant, nous accable. Et donc, à jeune femme, jeune mari. Telle est la devise d’Angélique et de toutes les jeunes filles représentées sur la scène par l’ingénieux auteur du Triomphe de l’Amour.