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MARIVAUX.

que moi d’enveloppée comme cela ; aussi suis-je d’une enfance, d’une curiosité ! Je ne porte point de rubans ; mais qu’est-ce que ma mère y gagne ? que je suis émue quand j’en aperçois. Elle ne m’a laissé voir personne, et avant que je connusse Eraste, le cœur me battait quand j’étais regardée par un jeune homme. »

Naturellement, ce n’est pas avec un de ces maudits « jeunes hommes » que Mme Argante veut marier Angélique. Elle a fait chois d’un époux très sage, très riche, très mûr. Il s’appelle M. Damis et approche de la cinquantaine. C’est un barbon très proche parent du seigneur Arnolphe. Mme Argante ne peut comprendre qu’Angélique ne soit pas tout à fait contente de son sort. Elle débite de longs discours à sa fille, essayant de lui prouver par raison démonstrative que M. Damis a précisément tout ce qu’il faut pour plaire aux demoiselles bien élevées. « Je ne vous donne pas, ma fille, un jeune extravagant qui vous négligerait peut-être au bout de quinze jours, qui dissiperait son bien et le vôtre pour courir après mille passions libertines. Je vous marie à un homme sage, à un homme dont le cœur est sûr, et qui saura tout le prix de la vertueuse innocence du vôtre. »

L’amour-propre d’Angélique se révolte, non pas avec la ruse de l’Agnès de l’École des femmes, mais avec cette franchise décidée, qui est la marque et la noblesse des héroïnes de Marivaux.

« Ce mariage ne vous plaît donc pas ? lui demande sa mère.

— Non. »