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JEUNES FILLES.

Celles-ci n’étaient point de qualité, « Le couvent des Petites-Cordelières, dit la princesse Hélène, n’était ni si grand ni si beau que le nôtre. Elles avaient en tout une trentaine de pensionnaires, mais ce n’étaient pas des filles comme il faut ; elles étaient bien embarrassées quand elles voyaient notre classe si nombreuse et composée des premières filles de France. »

Sans doute la jeune Angélique, dont Marivaux nous confesse les défauts, dans les scènes du Préjugé vaincu, a été élevée par les dames de l’Abbaye-aux-Bois. Elle a dû passer de la classe bleue à la classe rouge et à la classe blanche en compagnie d’une Montmorency, d’une Mortemart, d’une Châtillon ; car, malgré sa raison, sa libéralité, sa grâce dont tout le monde raffole, elle est intransigeante sur le chapitre de la noblesse. Elle est tympanisée par le préjugé à la mode. Il n’y a que les gentilshommes qui soient son prochain. Ne lui parlez pas d’un maître des comptes, d’un intendant des finances ni même d’un président à mortier. Elle rêve un duc et pair. Les hommes sans dentelle et sans habit à parements dorés lui font horreur. Elle préfère à un avocat ou à un procureur un petit gentilhomme dans sa gentilhommière. Les emplois de finance et les offices de judicature la dégoûtent. Elle est aimée de Dorante ; elle trouve Dorante aimable. « Malheureusement, dit-elle, il lui manque de la naissance. » Il est vrai qu’elle ajoute, en soupirant un peu : « Je souhaiterais qu’il en eût : j’ai même besoin de me ressouvenir quelquefois qu’il n’en a point ».