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MARIVAUX.

l’angélique du Préjugé vaincu

Il s’en faut de beaucoup que Marivaux ait toujours vu et dépeint les jeunes filles en rose. Son amie, la marquise de Lambert, qui a écrit de bien jolies lettres sur l’éducation des filles, a dû l’avertir souvent, et prévenir son optimisme par de discrètes indications. Cette femme distinguée connaissait l’amour-propre, souvent excessif, de ses jeunes amies, leur goût du plaisir et de la parure, leur « disposition à l’évaporation et à l’étourderie ». L’auteur du Petit-Maître corrigé a noté quelques-uns de leurs péchés mignons, particulièrement la vanité où elles tombent si aisément. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire le Préjugé vaincu, comédie en un acte, représentée pour la première fois par les Comédiens français, le 6 août 1746.

La vanité des filles, au siècle passé, consistait surtout en un entêtement de préjugé nobiliaire. D’ailleurs, comme le remarque le judicieux Duviquet, commentateur de Marivaux, « les femmes sont plus accessibles que les hommes au sentiment des préférences ; elles attachent un prix infini à toute espèce de supériorité. Les honneurs, les prérogatives, sont à la fois un dédommagement et un appui pour leur faiblesse. » La princesse Hélène de Ligne raconte, dans ses Mémoires, qu’au temps où elle était pensionnaire de l’Abbaye-aux-Bois, elle éprouvait, ainsi que ses compagnes, un superbe mépris pour les pensionnaires des Petites-Cordelières.