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MARIVAUX.

tout. Elle demeure, afin de fleureter : 1o avec Rosimond, à qui elle défend de se marier, à qui elle se propose même comme légitime épouse ; 2o avec Dorante, ami de Rosimond. « Oh ! dit-elle à ce Dorante. Il m’épousera. Je pense qu’il n’y perdra pas. Et vous, je veux aussi que vous nous aidiez à le débarrasser de cette petite fille. Je me propose un plaisir infini de ce qui va arriver ; j’aime à déranger les projets ; c’est ma folie, surtout quand je les dérange d’une manière avantageuse. Adieu ; je prétends que vous épousiez Hortense, vous.

— Puisse la folle me dire vrai ! » pense Dorante à part soi.

Et aussitôt Dorante agit en faux ami. Il ne quitte point Hortense, et s’applique à lui marquer un vif empressement. En même temps il travaille à en détacher Rosimond, en flattant ses manies de petit-maître. Voulez-vous entendre une conversation Régence, un entretien qui semble sténographié chez les roués du Palais-Royal ou du Temple ?

Écoutez ceci :

« Te voilà bien agité ! dit Dorante à Rosimond. Quoi ! tu crains les conséquences de l’amour d’une jolie femme, parce que tu te maries ! Tu as de ces sentiments bourgeois, toi, marquis ? Je ne te reconnais pas ! Je te croyais plus dégagé que cela !

— Venez, réplique Rosimond en sifflotant un air de chasse, venez ici. Qu’est-ce que c’est que cette fantaisie-là ?

— Elle est sage. Il me semble que la marquise[1] ne me voit pas volontiers ici, et qu’elle n’aime pas me trouver en conversation avec Hortense, et je te demande pardon de ce que je vais te dire ; mais il m’a passé dans l’esprit que tu

  1. La mère d’Hortense.