Page:Deschamps - Marivaux, 1897.djvu/126

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
118
MARIVAUX.

aime ! Mais cela est fort bien. Continuez ! Courage ! Un mari qu’on aime ! Gardez-vous de parler ainsi ; cela vous décrierait ; on se moquerait de vous. Voilà, dirait-on, le marquis de Moncade : où donc est sa petite femme ? Elle ne le perd pas de vue ; elle ne parle que de lui ; elle en est folle. Quelle petitesse ! Quel travers ! »

Quand le prince de Lambesc, colonel du régiment de Lorraine, fut fiancé à Mlle de Montmorency, il allait partout répétant qu’il ne l’aimait point, et qu’il l’épousait uniquement pour sa fortune. Un jour, le duc de Choiseul, ministre de la guerre, eut l’idée de marier son frère, le comte Jacques de Choiseul-Stainville, qu’il venait de nommer lieutenant général. Il jeta les yeux sur Mlle Thérèse de Clermont-Revel. Le mariage fut négocié rondement, et vite décidé. Le comte avait près de quarante ans ; sa fiancée en avait quinze, et ne l’avait jamais vu. Il obtint un congé, arriva à Paris et, six heures après, la cérémonie était célébrée. Cela se passait le 3 avril 1761, en un temps où la pièce qui nous occupe était encore très goûtée du public.

Donc, notre Rosimond se croit, pour le moins, un petit duc de Richelieu. Si Hortense n’était qu’une caillette provinciale, elle trouverait peut-être ces manières plaisantes. Bonne fille, elle a su discerner, sous le persiflage évaporé de ce jeune étourdi, l’accent d’une inclination qu’elle n’est pas éloignée de partager. Fine mouche, elle se pique au jeu, et entreprend la guérison de ce fou, qu’elle juge « aussi impertinent qu’aimable », et sa suivante Marton ne