Page:Deschamps - Marivaux, 1897.djvu/116

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
108
MARIVAUX.

jugés, est la bonté même, Angélique, brusquement transportée par l’exaltation naturelle aux jeunes filles amoureuses, se répand en regrets apparemment sincères, et en promesses qu’elle croit pouvoir tenir : « Ah ! ma chère mère, ma chère amie, vous m’ouvrez les yeux, vous me couvrez de confusion. Je romps avec le jeune homme. Que je vous suis obligée de vos conseils ! »

Et donc, le lendemain, elle refuse d’ouvrir un billet que Dorante lui envoie par un paysan. Bien plus, elle fait une scène au malheureux Dorante, qui vient timidement s’excuser. Elle est dure pour lui. Elle est méchante avec prodigalité, avec luxe, comme le sont les femmes, lorsqu’elles veulent faire payer à leurs complices les reproches de leur conscience. Puis, elle tourne sa colère vers sa suivante Lisette, qu’elle rend responsable de tout ce qui est arrivé. Mais, si ses nerfs l’ont soutenue pendant cet accès de violence où elle s’est crue obligée, ils l’abandonnent juste l’instant d’après. Heureusement, le prétendant Ergaste arrive à point pour détourner sur son dos une partie de l’orage. Dorante, qui n’est pas loin, rentre en grâce. Ce jeune homme est adroit. Il voit que l’instant est venu de recourir à ces moyens romanesques dont les jeunes filles aiment à entendre parler. Il parle d’enlèvement, certain que cette proposition sera repoussée avec horreur, mais avec reconnaissance. Et voilà une petite tête qui se monte. Angélique, délicieusement scandalisée et tout à fait prise par ce gentil séducteur, promet d’arranger tout, de parler à sa mère. Elle lui parle, en effet, elle se confesse de si rusée façon, et dessine